INTRODUCTION
En cette ère de technologies de l’information qui a réduit notre planète en village mondial, nous sommes en droit de nous demander quel impact a eu ce récent développement sur les droits des femmes musulmanes dans le monde entier. Revenant justement d’un voyage à travers neuf pays musulmans, du Pakistan au Bengladesh jusqu’aux États du Golfe, en passant par l’Egypte, la Syrie et le Liban, je répondrai qu’il mène, lentement mais sûrement, à une réévaluation et à un changement.1 Des tentatives pour accélérer le rythme de ce changement, sans pleinement comprendre sa topologie complexe, et l’engagement profondément ancré de la plupart des musulmanes à préserver l’authenticité spirituelle et culturelle, pourraient, cependant, mettre fin ou même inverser ce processus, aux dépens des femmes en particulier et des sociétés musulmanes dans leur ensemble. D’où les défis et les opportunités. Les femmes musulmanes pieuses sont généralement déconcertées par les lois et les systèmes judiciaires de leurs sociétés, qui sont supposés être islamiques. Tout le monde sait que la caractéristique essentielle de l’Islam est la justice.2 Pourtant, les sociétés musulmanes font subir des injustices aux femmes au nom de l’Islam. Certaines femmes demandant le divorce devant les tribunaux islamiques ont été prises au piège du système pendant des années.3 D’autre part, le divorce et le remariage ont été rendu plus faciles pour les hommes.4 Par ailleurs, différentes protections des femmes par la Shari’ah (loi islamique) en cas de mariage malheureux, de divorce ou de garde des enfants ont été ignorées même par les propres familles de ces femmes.5 Alors que les féministes occidentales se sont concentrées sur des questions telles que le voile et la soit-disant discrimination entre les sexes dans les lois de l’héritage, les musulmanes auxquelles j’ai parlé ne jugeaient pas ces problèmes comme importants. Elles étaient plus intéressées par un réexamen des codes de la famille et de la bonne application de toutes les lois islamiques, y compris les lois de succession telles qu’elles sont. En bref, les musulmanes aspirent à une compréhension plus juste et à l’adhésion aux principes islamiques. Elles semblent croire que les lois et les coutumes existantes ne favorisent pas une vie de famille heureuse ou une société juste. Il est étonnant de constater que les femmes musulmanes sont soutenues par de nombreux juristes musulmans qui partagent leurs préoccupations.6 Plusieurs facteurs ont forcé les musulmans à reconsidérer le statu quo, notamment l’expérience de la colonisation, les guerres, l’éducation occidentale et les modes occidentaux de communication.7 La colonisation a exposé le point faible des systèmes indigènes de gouvernance, tout en défiant et en marginalisant, dans le même temps, les croyances religieuses et les valeurs culturelles individuelles.8 Les guerres ont secoué les structures sociales établies, en particulier celles liées à la famille.9 Finalement, sous le double prisme de l’éducation occidentale et des modes de communication comme la télévision par satellite et Internet, les musulmans et les musulmanes sont instantanément confrontés, même de manière indirecte, à la vision du monde post-coloniale occidentale et les modes de vie occidentaux. En règle générale, ils aiment une bonne partie de ce qu’ils voient, comme la gouvernance démocratique, la liberté d’expression, l’indépendance des femmes et les sociétés bénéficiant d’un progrès technologique confortable. Il y a d’autres choses, cependant, qu’ils n’aiment résolument pas, comme la permissivité sexuelle, la hausse du nombre de divorces, l’escalade de la violence dans la société, en particulier chez les jeunes, et le traitement des personnes âgées. Par conséquent, de nombreux musulmans, hommes et femmes, sont confrontés aujourd’hui aux questions suivantes : comment introduire le progrès dans leur société, tout en protégeant, dans le même temps, leurs croyances spirituelles profondément ancrées et leurs identités culturelles, deux bases précieuses que le colonialisme a tenté, en vain, de détruire ? Comment bénéficier de l’expérience occidentale, notamment sa reconnaissance des droits légitimes des femmes, sans détruire par mégarde leurs liens familiaux très précieux ? Dans ce contexte, l’expérience des musulmans nord-américains qui sont parvenus à intégrer leurs croyances religieuses et leur héritage ethnique aux modes de vie américain et canadien est aujourd’hui très intéressante. C’est une preuve concrète du fait que l’Islam n’est pas une simple religion “orientale”, mais une religion mondiale capable de répondre aux besoins des musulmans quels que soient l’époque historique et le lieu.
LE ROLE DES MUSULMANS NORD-AMERICAINS :
Ainsi, commencer une discussion sur les droits des musulmanes dans le village mondial en proposant le point de vue d’une musulmane nord-américaine n’est ni hors sujet ni insignifiant. En réalité, les publics auxquels je me suis addressée dans les différents pays musulmans étaient très intéressés par mon point de vue. Une fois convaincus par la sincérité de mon engagement spirituel et par le sérieux de ma connaissance jurisprudentielle de ce sujet, ils ont souhaité obtenir davantage d’informations sur les droits des femmes dans l’Islam.10 Il y a, cependant, un inconvénient lorsqu’une musulmane nord-américaine s’exprime. ....Suite du document à télécharger : AL-HIBRI Droits des femmes musulmanes dans le village mondial. Défis et opportunités